Empire ottoman
دولتِ عَليه عُثمانيه
Devlet-i Âliye-i Osmâniyye
29 juillet 1299 – 24 juin 1923
623 ans, 10 mois et 26 jours
Drapeau de l'Empire ottoman (1793) | Armoiries de l'Empire ottoman |
Devise : دولت ابد مدت
Devlet-i Ebed-müddet
(« L'empire éternel »)
Statut |
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Capitale | Söğüt (1299-1326) Bursa (1326-1365) Edirne (1365-1453) Constantinople (1453-1922) |
Langue | Turc ottoman (officielle) Arabe (administrations et gouvernements locaux, religieux, culture, littérature, diplomatie et éducation) Persan (littérature, diplomatie et éducation) |
Religion | Islam sunnite (officielle), soufisme, chi'isme, christianisme, yézidisme et judaïsme (minoritaires) |
Monnaie | Akçe, kuruş, livre |
Population | ~ 30–35 000 000 habitants (1600) |
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~ 35 350 000 habitants (1856) | |
~ 20 884 000 habitants (1906) | |
~ 18 520 000 habitants (1914) | |
~ 14 629 000 habitants (1918) |
Superficie | ~ 4 800 km2 (1299) |
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~ 5 200 000 km2 (XVIe siècle)[1] | |
~ 3 400 000 km2 (1900)[2] | |
~ 783 562 km2 (1923) |
29 juillet 1299 | Conquête de Bilecik |
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17 novembre 1922 | Partition |
24 juillet 1923 | Création de la Turquie |
3 mars 1924 | Abolition du califat |
Entités précédentes :
Empire seldjoukide
Empire byzantin
Despotat de Serbie
Sultanat mamelouk du Caire
Hafsides
Zianides
Karamanides
Ordre de Saint-Jean de Jérusalem à Rhodes
Royaume croate
Second Empire bulgare
Empire de Trébizonde
Aq Qoyunlu
Sultanat de Sennar
Royaume de Bosnie
Dobrogée valaque
Bessarabie moldave
Principauté de Théodoros
Despotat de Morée
Duché de Naxos
Ligue de Lezha
Royaume de Hongrie
Entités suivantes :
Empire russe (en Crimée, Caucase, Boudjak)
Grèce
Royaume d'Égypte
Soudan anglo-égyptien
Principauté de Serbie
État d'Abdelkader
Algérie française
Protectorat français de Tunisie
Principauté de Bulgarie
Royaume de Roumanie (en Dobrogée)
Chypre britannique
Bosnie-Herzégovine austro-hongroise
Libye italienne et Dodécanèse italien
Gouvernement provisoire d'Albanie
Mandat français en Syrie, Liban et Hatay
Mandat britannique en Palestine
Mandat britannique en Irak, Koweit et Hasa
Royaume du Yémen
Royaume du Hedjaz
République turque
L’Empire ottoman (turc ottoman : دولت عليه عثمانیه, Devlet-i ʿAlīye-i ʿOsmānīye, littéralement l'État ottoman exalté ; turc : Osmanlı İmparatorluğu ou Osmanlı Devleti ; connu historiquement en Europe de l'Ouest comme l'Empire turc[3], Turquie ottomane[4],[5], ou simplement Turquie[6]), est un empire fondé à la fin du XIIIe siècle au nord-ouest de l'Anatolie, dans la commune de Söğüt (actuelle province de Bilecik), par le chef tribal oghouze, Osman Ier[7]. Après 1354, les Ottomans sont entrés en Europe, et, avec la conquête des Balkans, le Beylik ottoman s'est transformé en un empire trans-continental. Les Ottomans ont mis fin à l'Empire byzantin avec la conquête de Constantinople par Mehmed II, en 1453[8].
Aux XVIe et XVIIe siècles, à son apogée, sous le règne de Soliman le Magnifique, l'Empire ottoman était un empire multinational et multilingue contrôlant une grande partie de l'Europe du Sud-Est, des parties de l'Europe centrale, de l'Asie occidentale, du Caucase, de l'Afrique du Nord et la Corne de l'Afrique[9]. Au début du XVIIe siècle, l'Empire comprenait trente-deux provinces et de nombreux États vassaux. Certains d'entre eux ont ensuite été absorbés par l'Empire ottoman, tandis que d'autres ont bénéficié de divers types d'autonomie au cours des siècles[a].
Avec Constantinople comme capitale, et le contrôle des terres autour du bassin méditerranéen, l'Empire ottoman fut au centre des interactions entre les mondes oriental et occidental pendant six siècles. Alors que l'on croyait autrefois que l'Empire était entré dans une période de déclin à la suite de la mort de Soliman le Magnifique, cette opinion n'est plus soutenue par la majorité des historiens universitaires. L'Empire a continué de maintenir une économie, une société et une armée puissantes et flexibles tout au long du XVIIe et d'une grande partie du XVIIIe siècle[11],[12],[13]. Les Ottomans subirent de graves défaites militaires à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, ce qui les amena à entamer un vaste processus de réforme et de modernisation connu sous le nom de Tanzimat. Ainsi, au cours du XIXe siècle, l'État ottoman est devenu beaucoup plus puissant et organisé malgré de nouvelles pertes territoriales, en particulier dans les Balkans où de nouveaux États ont émergé[14]. L'Empire s'est allié à l'Allemagne au début du XXe siècle, espérant échapper à l'isolement diplomatique qui avait contribué à ses récentes pertes territoriales, et s'engagea ainsi dans la Première Guerre mondiale du côté des puissances centrales[15]. Tandis que l'Empire était capable de tenir sa place pendant le conflit, il était en lutte avec la dissidence interne, en particulier dans ses possessions arabes, avec la révolte arabe de 1916-1918. Pendant ce temps, de grandes atrocités sont commises par le gouvernement ottoman, dont certaines de nature génocidaire contre les Arméniens[16], les Assyriens, et les Grecs[17].
La défaite de l'Empire et l'occupation d'une partie de son territoire par les puissances alliées au lendemain de la Première guerre mondiale entraînèrent sa partition, et la perte de ses territoires du Moyen-Orient divisés entre le Royaume-Uni et la France. Le succès de la guerre d'indépendance turque contre les occupants Alliés a conduit à l'émergence de la république de Turquie, dans le cœur de l'Anatolie, et à l'abolition de la monarchie ottomane[18].
Sommaire
1 Histoire
1.1 Les débuts
1.1.1 Fondation
1.1.2 Expansion vers l'Europe
1.2 Apogée
1.2.1 Un nouvel empire
1.2.2 L’âge d'or
1.2.3 Une puissance mondiale contestée
1.3 Le début du déclin
1.3.1 Le temps des troubles
1.3.2 Une petite renaissance
1.3.3 L'Empire assiégé
1.3.4 La puissance des janissaires
1.4 Le déclin et la défaite
1.4.1 Tentative de modernisation
1.4.2 La défaite
1.4.3 Vers la république
2 Organisation
3 Provinces
4 Culture
5 Religion officielle et autres religions
6 Notes et références
6.1 Notes
6.2 Références
7 Annexes
7.1 Bibliographie
7.1.1 Ouvrages généraux
7.1.2 Monographies
7.1.3 XVe au XVIIIe siècle
7.1.4 XIXe – XXe siècle
7.1.5 Articles
7.2 Articles connexes
7.3 Liens externes
Histoire
L’Empire ottoman a duré de 1299 à 1923 (soit plus de six siècles). Il a été longtemps un petit beylicat autonome, puis indépendant de fait du sultanat seldjoukide, alors en pleine décadence. Il s’étendit ensuite durant trois siècles des portes de Vienne au golfe Persique, d’Oran en Algérie à Bakou sur la mer Caspienne, et des steppes de l'actuelle Ukraine aux marais du Nil dans l'actuel Soudan et aux montagnes de l'actuel Yémen. Dans le cadre de ses relations internationales, l’Empire ottoman était appelé « Sublime Porte ottomane », ou simplement « Sublime Porte », du nom de la porte d’honneur monumentale du grand vizirat, siège du gouvernement du sultan à Constantinople[19] et fut un allié du royaume de France contre les Habsbourg.
Les débuts
Fondation
L’Empire ottoman est fondé par une famille issue des Kayı, l’une des vingt-quatre tribus turciques oghouzes qui avaient conquis l’Anatolie au XIe siècle, au détriment de l’Empire byzantin. Pendant que le sultanat turc des Seldjoukides se décompose, cette tribu monte en puissance pendant la phase des beylicats. En 1299, Osman Ier conquiert la ville byzantine de Mocadène, aujourd’hui Bilecik en Turquie. Cette date marque le commencement de l’Empire ottoman et le début de la constitution de la première armée ottomane. Jusqu’à sa mort en 1326, Osman Ier conquiert plusieurs autres villes et places fortes byzantines, ainsi que certaines principautés turques voisines.
Expansion vers l'Europe
Ses successeurs continuent sa politique d'expansion. L'Empire ottoman conquiert Gallipoli, son premier territoire européen, en 1347, puis s'étend à travers les Balkans. En 1389, la victoire décisive à la bataille du champ des Merles en Serbie, dans l'actuel Kosovo, marque la fin de l'existence des royaumes serbes. La Serbie est définitivement annexée par les Ottomans après la chute de Smederevo, en 1459. En 1453, commandées par le sultan Mehmed II, les armées ottomanes prennent Constantinople et mettent fin à l'Empire byzantin, établissant ainsi la domination de l'Empire sur la partie à majorité chrétienne de la Méditerranée orientale. Plusieurs croisades européennes sont écrasées à Nicopolis et Varna ou encore à Alger.
Apogée
Un nouvel empire
Les Ottomans appellent Roumis les populations chrétiennes, en référence à leur ancien statut de citoyens de l'Empire romain d'Orient. L'Empire ottoman élargit ensuite progressivement sa souveraineté à toute la partie sud-orientale du monde méditerranéen, des environs d'Oran jusqu'aux environs de Raguse en englobant les côtes de presque toute l'Afrique du Nord, le proche-Orient, la mer Noire, la Grèce et l'Albanie. Les sultans ottomans voient leur titulature s'enrichir au XVe siècle du vieux titre turc de khan, de celui, iranien, de padishah, puis de celui de calife au XVIe siècle, c'est-à-dire successeur de Mahomet et chef de l’oumma, la communauté musulmane.
Les parties de l'Empire ont des statuts allant de la province (IYI) gouvernée par un pacha-beylerbey, aux divisions plus petites comme les sandjaks, sharifats ou vilayets. Des États vassaux payent un tribut annuel, n’ont qu’une allégeance formelle et envoient des cadeaux (pechkech, bakchich) à certaines occasions bien définies : certains sont chrétiens (principautés roumaines ou géorgiennes), d’autres musulmans (régences d’Alger, Tunis et Tripoli, khanat de Crimée). Le Liban se rend temporairement indépendant sous l’émir druze Fakhreddine II (1590-1613).
Sauf exception liée à la structure du pays ou à la proximité du centre de l’Empire, chaque pacha-beylerbey était « roi dans son royaume » qu’il gérait avec l’assistance d’un conseil nommé divan, en respectant les coutumes locales et les structures traditionnelles[20]. Le contrôle qu’ils exercent sur leurs territoires est variable. Les vassaux chrétiens, comme les principautés danubiennes de Valachie et Moldavie et, pour un temps, la Transylvanie ne deviennent pas provinces ottomanes, mais payent au sultan un tribut ce qui les place dans le dar al-Ahd (arabe : دار العهد « domaine du pacte » ou « de l'alliance ») alors que les Habsbourg ou la Russie sont dans le dar al-Harb (« domaine de la guerre »).
L’Empire ottoman est organisé selon le système des millets. De la Bosnie au fin fond de l’Anatolie en passant par les Pomaques, de nombreux chrétiens pauvres (Slaves, Grecs, Arméniens...) ainsi que des Juifs et des Roms (çingene) se convertissent à l’islam pour ne plus payer le haraç (double imposition sur les non-musulmans) et ne plus subir la παιδομάζωμα / pédomazoma, ou devchirmé (enlèvement des enfants) pour les Yeni-çeri (janissaires : « nouvelles troupes », instituées au XIVe siècle par le sultan Orhan). Devenus avdétis (convertis), ils n’en étaient, pour la plupart, que plus fidèles sujets de la Sublime Porte, afin de bénéficier de la confiance due aux mumīnīn (croyants). C’est pourquoi les Turcs actuels de Turquie sont, en majorité, de type caucasien, alors que les peuples turcs d’Asie centrale ont un phénotype asiatique. Et c’est pourquoi au XIXe siècle, la majorité des membres des millets rum et arménien était plutôt composée de propriétaires et de commerçants aisés que de pauvres manœuvres, car seuls les gens aisés pouvaient aisément payer le haraç.
Le nouvel empire assura sa cohésion en ouvrant largement l’ascenseur social ottoman : tout janissaire sorti du rang pouvait, si ses capacités le lui permettaient, espérer accéder aux plus hautes fonctions, telles que bey, drogman, capitan pacha, pacha ou vizir, et les exemples foisonnent. Même les aristocrates grecs restés chrétiens pouvaient espérer être nommés hospodars (voïvodes) des principautés chrétiennes tributaires.
L’âge d'or
Pragmatiques et non dogmatiques, les sultans ottomans n’ont pas fait table rase de la civilisation byzantine mais l’ont au contraire adaptée et développée, comme en témoignent la mosquée bleue qui sublime l’architecture de la basilique Sainte-Sophie ou les thermes, que nous appelons « bains turcs ». L’Empire a su hériter de l’éducation, des sciences, des techniques et des universités byzantines, devenues ottomanes et admirées dans toute l’Europe à la fin du Moyen Âge. Ces universités orientales se tenaient au courant des découvertes occidentales : l’amiral Piri Reis a ainsi pu faire une copie de la carte de l’Amérique de Christophe Colomb, et celle-ci ayant été perdue, la copie de Reis est à ce jour la plus ancienne carte connue du nouveau continent. De grandes forces vives, aussi bien intellectuelles que financières, vinrent renforcer la Sublime Porte. On peut citer les migrations et installations des juifs sépharades, fuyant l’Espagne répressive et l’Inquisition, puis celles des Morisques andalous (voir Histoire des Juifs en terre d'islam).
En 1517, Sélim Ier conquiert l’Égypte et met fin au sultanat mamelouk. Le calife abbasside Al-Mutawakkil III est emmené à Istanbul comme otage, et aurait cédé son titre de Commandeur des croyants (Emir al-mumimin). Si Sélim procède au transfert de certaines reliques de Mahomet à Istanbul, la thèse selon laquelle il aurait voulu recueillir l’héritage de califat est cependant sujette à caution et apparait beaucoup plus tardivement[21]. Moins d’un siècle après avoir mis fin à l’Empire byzantin moribond, les Turcs ottomans prennent la succession de la dynastie arabe des Abbassides.
Au XVIe siècle, sous le règne de Soliman le Magnifique, les armées ottomanes parviennent jusqu’à Vienne en 1529 et 1532, dont elles font le siège en vain. Cette avancée marque la limite de l’expansion de l'Empire en Occident (comme Aden en fixera la limite au sud).
De 1533 à 1536, l’Empire ajoute l’Est de l’Anatolie, l’Azerbaïdjan et le Yémen. Les corsaires turcs installés à Alger prennent Tunis aux Hafsides en son nom en 1534, puis la perdent face aux troupes de Charles Quint. Le pacha turc de Tripoli prend Kairouan en 1557 et Tunis est reconquise, définitivement cette fois, en 1569. Les interventions ottomanes au Maroc conduisent également l'Empire à prendre la ville de Fès en 1554 et 1576, à intervenir dans les querelles de pouvoir entre Wattassides et Saadiens[22], à soutenir ces derniers lors de la bataille des Trois Rois face aux Portugais en 1578, puis à appuyer divers mouvements opposés aux Alaouites après la prise du pouvoir par ces derniers.
L’Empire crée une flotte militaire, tente de s’imposer en Méditerranée au détriment des cités italiennes et y parvient un moment. La défaite navale de Lépante en 1571, devant les flottes espagnole et vénitienne, met fin à sa suprématie. Réorganisée par Sokollu Mehmet Pacha, la flotte ottomane restera certes ensuite une puissance importante, et les possessions vénitiennes (Chypre et des îles en mer Égée) rejoindront progressivement l'Empire mais une partie toujours plus importante du commerce méditerranéen était sous le contrôle de Venise, de Gênes, du Portugal et de l'Espagne[23].
L'Empire trouve sa place dans le jeu diplomatique européen où il est un allié traditionnel de la France, dans une alliance de revers contre les Habsbourgs, dès le règne de François Ier.
Une puissance mondiale contestée
La mort de Soliman le Magnifique en 1566 marque la fin de l'âge d'or ottoman, et la superficie de l'Empire au XVIe siècle atteint 5 200 000 km2 [1]. L'irruption des Portugais dans l'océan Indien détourne vers l'Atlantique une grande partie du commerce des Indes, et les expéditions ottomanes contre Goa et Mascate n'arrivent pas à les en déloger. Cependant, le commerce du Levant reprend à la fin du XVIe siècle.
L'Empire ottoman a encore les moyens de grandes expéditions sur mer (conquête de Chypre en 1570 et de la Crète en 1669) et sur terre, contre les Autrichiens et les Russes. Moscou est incendiée en 1571, Vienne, capitale des Habsbourg d'Autriche, est assiégée en 1683. L'Empire croit avoir encore une vocation mondiale. Sokollu Mehmet Pacha, grand vizir de Sélim II, commence un projet de canal à Suez et un autre entre la Volga et le Don, qui n'aboutiront pas.
Dans l'Europe du Sud, une coalition d'États compte alors vaincre l'Empire ottoman sur les mers, puisqu'elle ne le peut sur les terres. À Lépante, envoyé par le roi Philippe II, une flotte coalisée (États pontificaux, république de Venise et Espagne) affronte la grande flotte turque, réputée invincible. En 1571, Lépante voit la destruction de plus de 250 galères turques. Mais c'est une victoire sans lendemain, qui ne touche pas aux bases de la puissance turque. Le grand vizir ottoman dira à un ministre vénitien durant des négociations : « En vous prenant Chypre, nous vous avons coupé un bras. En envoyant par le fond notre flotte, vous nous avez coupé la barbe. »[citation nécessaire] En 1573, la flotte ottomane reconstituée pousse les Vénitiens à la paix. Cela permet au sultan de tourner ses ambitions sur l'Afrique du Nord.
Les frontières ottomanes ne changent guère entre 1566 et 1683. Les guerres finissent sur des statu quo et les victoires de Soliman le Magnifique apparaissent comme un glorieux passé. Les Séfévides de Perse repoussent les assauts turcs. Dans les régions danubiennes, l'Empire doit faire face à la puissance rivale de l'Autriche et à l'insoumission des principautés roumaines sous Michel le Brave (1593-1601).
Sur les champs de bataille, l'armée ottomane, ou plutôt, comme l'appellent les chroniqueurs turcs, « l'armée de l'islam »[24], reste une puissance impressionnante. Des forces nombreuses, ce qui suppose une logistique considérable, des janissaires d'élite, et toujours des légions de soldats armés d'arquebuse ou de fusils. La Longue Guerre contre l'Autriche (1593-1606), a demandé de grandes ressources humaines aux Ottomans. Leur population forte de trente millions d'habitants leur permet de soutenir de vastes efforts de guerre mais le retard économique et technique face à l'Occident commence à se faire sentir.
Le début du déclin
Le temps des troubles
Sous les règnes de Mehmed III (1595-1603) et de son fils Ahmet Ier (1603-1617), l’Empire est en proie à des révoltes et à des soulèvements militaires, notamment celui des spahis à Constantinople au début de l’année 1603. Pour tenter d’assurer leur pouvoir, les sultans ottomans changent fréquemment les vizirs, les conseillers, les chefs militaires et les membres de la haute administration. Il en résulte que les administrateurs s’efforcent de réaliser des fortunes rapides par tous les moyens[25]. Le personnel subalterne, moins surveillé, s’empresse de les imiter. Des peuples soumis, pressurés par les fonctionnaires, se soulèvent contre les Turcs, notamment les Druzes.
Après l’humiliant traité signé avec les Séfévides en 1590, les Ottomans occupent la Géorgie, le Chirvan, le Lorestan, et Tabriz avec une partie de l'Azerbaïdjan[26]. La guerre reprend en 1603 avec la prise de Tabriz par Abbas Ier le Grand, qui reconquiert en quelques années l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Mésopotamie avec Bagdad sur les Ottomans (1612)[27].
En Europe, la paix de Zsitvatorok (Hongrie) conclut la Longue Guerre avec le Saint-Empire romain germanique. Le sultan consent pour la première fois à traiter à égalité avec l'empereur et le tribut annuel est transformé en « présents »[25]. La « Porte » conserve la Grande-Kanija, Estrigomie et Eguer, mais abandonne la région de Vatch. Sa progression vers l'ouest est stoppée.
Au début du XVIIe siècle, l’armée turque est forte de 150 000 à 200 000 hommes. Elle comprend trois éléments : les odjaks, milices soldées par le Trésor (janissaires, spahis, artilleurs, soldats du train, armuriers, gardes des jardins palatins), troupes irrégulières, de moins en moins recrutées et les troupes de province, fournies par les feudataires (les plus nombreuses). Les fiefs (timars et zaïms) attribués à des militaires (sipahi) qui doivent fournir un contingent passent progressivement aux serviteurs du seraï, ce qui les soustrait aux obligations du service. Les troupes de province fournissent de moins en moins de soldats. De 1560 à 1630, les odjaks augmentent d’autant, surtout le corps des janissaires, multiplié par quatre. La pression fiscale augmente et alimente des troubles provinciaux. Les janissaires forment un État dans l’État et sont recrutés de plus en plus parmi les musulmans. Ils obtiennent le droit de se marier et s’installent dans la vie de garnison, spécialement à Constantinople. Les Turcs obtiennent l’autorisation de servir parmi les janissaires, autrefois composés exclusivement d’esclaves chrétiens. Le corps des janissaires devient une garde prétorienne et arbitre les compétitions dynastiques.
Après l'assassinat du sultan Ibrahim Ier en 1648 et jusqu'en 1656, avec l’avènement du vizir Mehmet Köprülü, une période se démarque, le sultanat des femmes. En fait, la plupart des Sultans de cette période ont peu de pouvoir. Le harem impérial, dirigé par la mère du Sultan, dirige en fait le pouvoir politique. La première aurait été Nurbanu, véritable maîtresse de l'Empire dans les années 1560. Le baylo vénitien Andrea Gritti décrit la « Femme Sultan » Hürrem Sultan (Roxelane) comme une femme au pouvoir extraordinaire et dotée d'une force de caractère rare[citation nécessaire]. Lors de la succession d'Ibrahim Ier (1640-1648), le harem impérial est le théâtre d'un conflit généralisé entre certaines concubines et la mère de Mehmed IV, le successeur d'Ibrahim.
Une petite renaissance
Finalement, cette période voit la naissance d'un contre pouvoir, celui des grands vizirs, avec la nomination comme grand vizir de membres de la famille Köprülü. Entre 1656 et 1703, ils entament une restructuration de l'Empire et de sa grandeur. Mehmed Pacha Köprülü commence par réformer l'armée. Ensuite, son fils, et successeur, supprime le pouvoir des « femmes sultans ». Le vizirat Köprülü a profité de la baisse du pouvoir des sultans pour satisfaire son désir de pouvoir et de gloire. C'est surtout au niveau militaire qu'il réussit à redorer le blason terni des Ottomans. Leur pouvoir est restauré en Transylvanie, la Crète est complètement conquise en 1669, la Podolie est prise aux Polonais en 1676.
Cette période de conflit continu est prolongée avec le vizirat de Kara Mustafa (toujours un Köprülü, mais adopté par la famille) qui déclenche une guerre avec les Autrichiens en ne renouvelant pas la paix de Vasvár conclue en 1664. Il assiège Vienne en 1683. Finalement, le roi Jean III Sobieski de Pologne bat les Turcs. Le pouvoir des Köprülü est alors presque tombé avec l'assassinat de Kara Mustafa par ses janissaires. L'alliance chrétienne de la Sainte-Ligue finit par vaincre les Turcs et à leur imposer le traité de Karlowitz en 1699. Pour la première fois, l'Empire ottoman perd des territoires dont la Hongrie, qu'il avait repris, ainsi que le Banat. Économiquement ruiné, militairement asphyxié par ses ennemis, il s'enfonce dans une période de stagnation.
Seuls deux sultans auront su marquer leur temps par leur propre pouvoir : Mourad IV (1612-1640) qui reprend Erevan en 1635 et Bagdad en 1639, au grand dam des Séfévides, et Moustapha II (1695-1703), qui mène les Ottomans dans la guerre contre les Habsbourgs pour finalement être vaincu à la bataille de Zenta (11 septembre 1697).
L'Empire assiégé
Durant cette période de stagnation, une partie des territoires danubiens est cédée à l'Autriche. Des territoires comme l’Algérie ou l’Égypte deviennent de plus en plus indépendants vis-à-vis d'Istanbul. Sur leur frontière nord, vers l'Ukraine actuelle, les Ottomans font reculer l’Empire russe de Pierre le Grand, mais ils subissent une série de défaites cuisantes sous le règne de Catherine II, qui envoie sa flotte en mer Égée et s'empare de la Crimée en 1782.
Cette période se caractérise par une tentative des sultans et des vizirs de réformer leur empire en déliquescence. L'ère des tulipes (Lâle Devri en turc), ainsi nommée en hommage à l'amour que portait le sultan Ahmet III à la plante, semble une sorte de retour de l'Empire ottoman sur le devant des scènes européennes, aussi bien économiques que politiques. Alors qu'une guerre contre l'Autriche vient d'être à nouveau perdue en 1718, et que l'Empire s'est vu humilié au traité de Passarowitz la même année, Ahmet III tente de nouvelles réformes envers le peuple : les taxes sont moins fortes, l'image de l'Empire est redorée, et des entreprises, semblables aux manufactures européennes, sont créées. Il tente aussi de moderniser l'armée avec des conseillers européens.
En 1730, un janissaire d'origine albanaise, Patrona Halil, fomente un complot contre le sultan Ahmet III. Celui-ci n'avait pas suivi les propositions de réformes proposées par Halil. Face à cela, Patrona Halil et d'autres janissaires proclament Mahmud Ier sultan. Ahmet III aura eu le temps de faire exécuter Halil mais doit quitter le pouvoir après cette insurrection.
Un autre problème s'ajoute en 1731 à la situation déjà mauvaise de l'Empire ottoman, celui du Caucase. Les Russes puis les Perses en réclament la suzeraineté. Les premiers réclamant ces territoires car habités par d'anciens Cosaques et les seconds parce qu'ayant autrefois été sous leur domination. En effet, estimant que la plus grande population cosaque habitait en Russie, il paraît normal pour l'Empire russe de les réunir. Ces Circassiens (autre nom pour les habitants du Nord du Caucase), seraient en fait d'anciens cosaques immigrés d'Ukraine. Cette politique de l'ethnicité ne plait pas à la Sublime Porte, qui ne conçoit pas sa politique ainsi. Face à cela, les Russes menacent l'Empire ottoman et finalement, engagent une nouvelle guerre russo-turque qui durera de 1735 à 1739. Les Russes marchent sur la Crimée et les principautés danubiennes (Valachie et Moldavie). Durant cette guerre, le commandant russe Münnich écrase les Tatars vassaux des Ottomans puis passe le Dniestr. Il conquiert aussi la Bessarabie. La Russie n'a jamais autant contrôlé de terres autrefois ottomanes.
Profitant de la situation difficile des Ottomans, le nouveau shah de Perse, Nâdir Châh, s'attaque à la Sublime Porte. Il ménage finalement le sultan en conquérant des villes précieuses ou des provinces importantes (Bagdad ou l'Arménie) puis les échangeant contre celles qui l'intéressent. Nâdir Shâh n'hésite pas à conquérir Bagdad et à la rendre aux Ottomans en échange de l'Arménie et de la Géorgie. En 1735, il signe un traité avec les Russes, qui, parmi d'autres termes, met fin à sa guerre contre les Ottomans.
La puissance des janissaires
La puissance de l'Empire est de plus en plus illusoire. Sa décadence devient évidente au XVIIIe siècle, sous le règne de Moustapha III. Lorsque son vizir, Raghib Pacha (en), meurt en 1763, il décide de régner seul. Médiocre politicien, il ne sait pas non plus s'attacher de bons conseillers ou commandants militaires. Voltaire le compara à un « gros ignorant ». Face à cela, les janissaires arrivent à s'imposer et bloquent toutes les réformes voulues par le sultan. Ce n'est pas la première intervention de ces soldats d'élite dans la politique, puisqu'ils avaient déjà déposé ou tué quatre sultans, Moustapha Ier, Osman II, Ibrahim Ier et Mehmed IV, au cours du XVIIe siècle. Le pouvoir de ce corps de troupe va alors ne faire que grandir. Abdülhamid Ier, frère de Moustapha, ne peut empêcher l'annexion de la Crimée tatare par l'Empire russe de Catherine II en 1782. Désormais, la mer Noire n'est plus sous le contrôle total des Ottomans. Dans cette série des règnes destructeurs pour l'Empire, celui de Sélim III, successeur du précédent, s'illustre par l'apogée du pouvoir des janissaires qui, n'acceptant pas ses idéaux réformateurs, se révoltent en 1807 et l'assassinent en 1808.
Le déclin et la défaite
Tentative de modernisation
Au XIXe siècle, l'Empire — surnommé « l'homme malade de l'Europe » par l'empereur russe Nicolas Ier en 1853, lors d'une conversation avec l'ambassadeur britannique — diminue territorialement, mais entame un processus de modernisation afin de retrouver sa puissance et sa prospérité d'antan. Cette période débute en 1808 avec la Charte de l'Alliance (tr) (Sened-i Ittifak) signée entre le sultan et les chefs féodaux et qui confirme le pouvoir de ces derniers face à l'administration centrale. Vient ensuite l’édit de Tanzimat (Tanzimat Fermani) en 1839 où l'administration centrale annonce des mesures législatives dans le but de moderniser l'Empire. Durant cette période, des pays européens tels que la France et le Royaume-Uni ont beaucoup influencé l'Empire ottoman. Une autre réforme entreprise à cette époque est l'abolition de l'esclavage en 1847. Cette période de réformes qui est appelée « Tanzimat » se poursuit par la Ire Constitution monarchique du 23 décembre 1876.
En 1830, la Grèce, soutenue par les puissances occidentales, obtient son indépendance. Le gouverneur de l'Égypte, Méhémet Ali, se comporte comme un souverain indépendant et obtient que son fils lui succède, ce qui constitue un précédent. L'Empire ne fait face à l'expansion de la Russie que parce que le Royaume-Uni et la France le protègent, notamment au cours de la guerre de Crimée. Protection coûteuse : la France s'empare de l'Algérie puis de la Tunisie, le Royaume-Uni de l'Égypte, indépendante de fait depuis le début du XIXe siècle.
La guerre de Crimée a révélé la faiblesse financière de l'Empire : absence de vrai budget, irrégularité des rentrées fiscales, endettement croissant. Les finances et douanes de l'Empire passent sous la tutelle de la Banque impériale ottomane, créée en 1863 et dirigée par un consortium franco-anglais[28].
L'Empire est incapable d'empêcher l'indépendance de plusieurs pays des Balkans, perdant de plus en plus de territoires en Europe. Dès janvier 1876, il est mis en difficulté par une insurrection bosniaque, qui se conjugue avec un vaste soulèvement en Bulgarie et dégénère en conflit militaire entre la Russie et l'Empire ottoman[29]. Battue, la Turquie refuse de signer le protocole élaboré à Londres par les grandes puissances, ce qui inquiète les investisseurs[30]. En un mois, l'emprunt public français de référence perd quatre points, l'italien six points et le russe dix points[30]
La défaite
En 1908, la tension entre le rigide sultan Abdülhamid II et les courants réformateurs poussent le parti des Jeunes-Turcs à s'emparer du pouvoir (Comité union et progrès, CUP). Leur volonté de relever l'empire les entraîne dans l'alliance avec l'Empire allemand. En 1914, ils déclarent la guerre à l'Entente, et entreprennent de grandes offensives vers l'Égypte et le Caucase. Ce sont des échecs : l'empire n'a pas les moyens de sa politique, il est ravagé par les épidémies et les famines. Des tensions internes apparaissent alors dans tout l'empire. La grande révolte arabe a lieu entre 1916 et 1918, rébellion menée par Hussein ben Ali, chérif de La Mecque, afin de libérer la péninsule Arabique et de créer un État arabe unifié allant d’Alep à Aden. L'appel à la guerre sainte, lancé par le sultan comme calife de l'islam, a peu d'échos. L'existence même de l'Empire est menacée aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur.
En 1915, le noyau du parti organise, sous le commandement du ministre de l'Intérieur Talaat Pacha, une politique de déportation et de massacre des Arméniens ottomans, politique appelée génocide arménien, faisant entre 800 000 et 1 500 000 morts selon la majorité des historiens, et entre 300 000 et 500 000 victimes selon l'État turc actuel. Bien que la culpabilité de Talaat, d'Enver Pacha et d'autres dirigeants Jeunes-Turcs, ait bien été reconnue par la justice ottomane qui les a condamnés à mort par contumace en juillet 1919, l'État turc actuel refuse le terme « génocide » et préfère parler de « massacres », en les justifiant par la menace qu'aurait constitué pour l'intégrité de la Turquie les populations chrétiennes arménienne et pontique suspectes de sympathie pour les troupes russes[31].
Pour l'Arménie et la Grèce, les génocides arménien et pontique (entre 350 000[32] et 360 000 morts[33] entre 1916 et 1923) sont les premiers du XXe siècle[b] ; les deux tiers de ces populations chrétiennes de l'Empire ottoman furent exterminés. C'est également dans ce contexte troublé que, entre 1914 et 1920, a lieu le génocide assyrien causant la mort de 500 000 à 750 000 personnes ce qui représente environ 70 % de la population assyrienne de l'époque[34].,[35].
Pour l'Empire ottoman, l'issue de la Première Guerre mondiale risque d'être son démembrement car allié aux Austro-Hongrois et aux Allemands, il se trouve dans le camp des vaincus. Le traité de Sèvres est extrêmement sévère : les territoires à majorité arabe (Syrie, Palestine, Liban, Mésopotamie, Hedjaz, Asir, Yémen) sont détachés de l'Empire et ceux du croissant fertile sont placés par décision de la Société des Nations sous mandats britannique et français (voir accord Sykes-Picot)[36] ; la côte égéenne est occupée par les Grecs et les Italiens ; les détroits des Dardanelles et du Bosphore échappent à la souveraineté turque ; la majeure partie de la Thrace devient grecque ; l'Arménie au nord-est se détache ; un Kurdistan est envisagé à l'est et des zones d'influence sont définies en Anatolie même. L'Empire ne conserve sa pleine souveraineté qu'en Anatolie centrale et septentrionale. Pour avoir signé pareil traité, le sultan perd toute légitimité aux yeux de la population et de l'armée.
Vers la république
Les conditions draconiennes du traité de Sèvres éveillent le sentiment national turc. Les anciens combattants se rassemblent autour de Mustafa Kemal Atatürk, qui chasse les Européens d'Anatolie et s'impose comme chef du gouvernement, reléguant le sultan à un rôle honorifique. En 1923, il abolit l'Empire ottoman et le califat[c],[38] pour fonder, par la guerre d'indépendance, la Turquie moderne ou la République de Turquie, État successeur de l'Empire ottoman sur le territoire restant : l'Anatolie, la grande partie ouest du haut-plateau arménien et la Thrace orientale. Atatürk en devient le président en 1923.
Organisation
L’Empire ottoman a développé au cours des siècles une organisation de l’État qui reposait sur un gouvernement très centralisé avec le sultan comme dirigeant suprême, qui exerçait un contrôle effectif sur les provinces, les citoyens et les fonctionnaires. La richesse et la position sociale n’étaient pas nécessairement reçues en héritage, mais pouvaient être acquises par la reconnaissance des mérites. Cette évolution des positions sociales était marquée par l’attribution de titres tels que vizirs et ağas. Le service militaire était un élément clé de l’avancement dans la hiérarchie.
Provinces
Les provinces de l'Empire ottoman étaient des divisions administratives fondées sur l'administration militaire et civile ainsi que les fonctions exécutives. La mise en place de l'organisation administrative s'est déroulée en deux phases. La première est liée à la construction de l'Empire et a évolué avec sa montée en puissance. La seconde est due aux vastes réformes administratives de 1864 et s'est terminée avec la dissolution de l'Empire.
Culture
Pendant plusieurs siècles, l'Empire ottoman a connu des périodes riches tant d'un point de vue économique que culturel. Il a influencé ses voisins de l'Ouest (Europe, Afrique du Nord) comme ceux de l'Est (Asie centrale, Perse, Inde). Sa position géostratégique en a fait pendant longtemps une puissance culturelle de premier plan.
La langue officielle de l'Empire était le turc ottoman (ou « turc osmanlı »), un mélange de turc, d'arabe et de persan, qui s'écrivait en caractères arabes.
Religion officielle et autres religions
Selon Halil İnalcık, sous les Seldjoukides et lors de la création de l'Empire ottoman, les peuples turciques qui créent ces empires sont majoritairement de confession alevi bektachi[39], alors que les populations antérieures sont majoritairement chrétiennes (orthodoxes ou monophysites). Les tribus turkmènes arrivées en Anatolie sont spirituellement influencées par de grandes figures de l'islam soufie et hétérodoxe comme Ahmed Yesevi, Yunus Emre, Haci Bektas Veli, Mevlana, Ibn Arabi, Abdal Musa et Kaygusuz (en)[39]. De nombreux éléments laissent à penser que les fondateurs de l'Empire étaient membres de tariqas hétérodoxes proches du bektachisme[40]. Ainsi, la famille des Çandarlı (en) qui est à l'origine de la création de l'Empire est membre de la confrérie ahilik c'est-à-dire bektachi[39]. La première médersa (université théologique) est créé par Davud el-Kayserî qui y enseigne le concept de Wahdat al-wujud[39]. Sheikh Edébali est membre de la Tariqa Vefâi (babailik)[40]. Gazi Evrenos Bey (en) de la tribu Kayı dont est issue la dynastie ottomane était également acquit à la cause de l'ahl al-bayt[40].
Pour Levent Kayapinar, jusqu'aux XIVe – XVe siècles les alevi bektashi sont majoritaires parmi les turcophones de l'Empire[40].
Avant 1517, l'Empire ottoman n'a pas de religion ou ne repose pas sur un système religieux[41]. En 1516, les Ottomans mettent un terme au califat des mamelouks puis Yavuz Sultan Selim s'empare des insignes du pouvoir califal détenus au Caire (fin du Al-Mutawakkil III). L'année 1517 marque un tournant dans l'histoire confessionnelle de l'Empire : le sultan Yavuz Sultan Selim choisit le sunnisme comme religion officielle[41]. Ce faisant il se démarque de son grand rival Chah Ismail Ier acquis à la cause de l'ahl al-bayt. Environ deux mille oulémas sont importés de la mosquée al-Azhar d'Égypte pour « sunniser » l'Empire.
À partir de cette époque, les chefs religieux alevi, bektachi et mevlevi qui sont à l'origine de l'islamisation en Anatolie et dans les Balkans, sont exécutés ou déportés[41] : l'alévisme est alors considéré comme hérétique par le pouvoir central sunnite ottoman. Yavuz Sultan Selim lance une politique de dénigrement, de répression et d'assimilation ou de conversion des alevis qui perdure jusque sous l'ère républicaine.
Quant aux chrétiens, ils sont, comme les juifs, considérés comme des « protégés » et organisés en « millets » (communautés) : celui de Rum (« Romains ») regroupe les orthodoxes, jadis citoyens de l'Empire romain d'orient, et celui des Ermeni regroupe les monophysites du « catholicossat » arménien. En tant que protégés, ils sont dispensés du service militaire, mais en revanche, sont soumis à une double-capitation nommée haraç et au devchirmé (enlèvement des garçons chrétiens[d] pour les janissaires), ce qui en encourage beaucoup à adopter l'islam sunnite officiel (et pour beaucoup, la langue turque). Les cloches des églises ne peuvent plus sonner[43]. Les conquêtes ont été accompagnées de destructions de bâtiments religieux. Ainsi, sur les 1 300 églises et monuments religieux présents en Serbie avant l'arrivée des Ottomans, seuls 14 églises orthodoxes sont encore actives au XVIe siècle[44]. Le poids de la répression contre les chrétiens a pour conséquence différents exodes :
- en 1690 où 37 000 familles serbes quittent le Kosovo, la Métochie, la Rascie et le Sud de la Bosnie pour trouver refuge dans l'empire des Habsbourg[43] ;
- du XIVe au XIXe siècle de nombreux Bulgares et Aroumains quittent leurs terroirs soumis à la férule ottomane pour s'installer parmi les Roumains, dans les principautés tributaires du Sultan, mais autonomes et de droit chrétien, de Transylvanie (à Brașov où ils sont signalés dès 1392 dans le quartier de Șchei), de Valachie (à Bucarest, Craiova, Ploiești et Brăila) et de Moldavie (à Bolhrad, Galați et Iași), ainsi qu'au Banat alors sous autorité autrichienne (à Jimbolia et Timișoara) ; jusqu’en 1878, les villes du Sud de la Roumanie attirèrent aussi beaucoup de révolutionnaires bulgares et d’émigrés politiques, tels que Sophronius de Vratsa, Petra Beron, Khristo Botev, Lyuben Karavelov, Georgi Rakovski, Panayot Hitov, Euloge et Hristo Georgiev (au point que la Roumanie devint le centre d’organisation du mouvement révolutionnaire bulgare contre les Ottomans : le comité central révolutionnaire bulgare fut fondé à Bucarest en 1869 ; la même année la société bulgare de littérature était établie à Brăila)[45].
Mosquée bleue (1616).
Mosquée Süleymaniye (1556).
La « Sublime Porte » (Bâb-ı-âlî), XVIIe siècle.
Palais de Topkapı (1453).
Carte de Piri Reis (1513).
Notes et références
Notes
L'Empire a également temporairement acquis l'autorité sur les terres outre-mer lointaines par des déclarations d'allégeance au sultan ottoman et au calife, comme la déclaration par le sultan d'Aceh en 1565, ou par des acquisitions temporaires d'îles comme Lanzarote dans l'océan Atlantique en 1585[10].
En fait le massacre des Héréros et des Namas par les colonialistes allemands en Namibie est antérieur (1904).
En déposant le dernier sultan ottoman Abdülmecid II en 1923, Mustafa Kemal écarte du pouvoir la dynastie ottomane : c'est un changement politique. L'abolition du califat en 1924, changement religieux, fait disparaître une instance régulatrice ancestrale de l'Islam sunnite (Abdülmecid II est le 101e et dernier calife régulier du monde musulman), ce qui autorise des prétentions au califat de s'exercer. Cette situation entraîne, depuis le milieu des années 1990, de nombreuses auto-proclamations, comme celle de l'Irakien Abou Bakr al-Baghdadi[37].
Cette pratique a curieusement concerné les chrétiens mais non les juifs : aucun juif n'est touché par le redoutable devchirme, la levée des jeunes garçons mécréants, destinés, après une islamisation forcée au service du sultan ; cela pourrait s'expliquer par le caractère citadin des juifs plutôt que par leur judaïté[42].
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Gilles Veinstein, « Retour sur la question de la tolérance ottomane au XVIe siècle », dans Bartolomé Bennassar et R. Sauzet (dir.), Chrétiens et musulmans à la Renaissance. Actes du 37e colloque international du CESR, éd. Honoré Champion, 1998, p. 415-426.- Id., « Charles Quint et Soliman le Magnifique : le grand défi », dans Carlos V. Europeismo y Universalidad. Los escnerarios del Imperio, III, Sociedad Estatal para la Conmemoración de los Centenarios de Felipe II y Carlo V, Madrid, 2001, p. 519-529.
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- Id., « De Soliman à Atatürk, les Turcs regardent vers l’Europe » , entretien, L'Histoire, no 273, février 2003, p. 16-17.
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Liens externes
(fr) Carte de l'Empire ottoman et de l'Europe en l'an 1600.
(fr) [PDF] Leçon Inaugurale de Gilles Veinstein au Collège de France ; Chaire d'histoire turque et ottomane, 14 p., 3 décembre 1999.
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