Forme linéaire
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En algèbre linéaire, les formes linéaires sont un type particulier d'applications linéaires. L'étude spécifique qu'on leur accorde est motivée par le fait qu'elles jouent un rôle primordial en mathématiques, et en analyse, par exemple dans la théorie des distributions, ou dans l'étude des espaces de Hilbert.
Les formes linéaires sur un espace vectoriel portent parfois également le nom de covecteur. Ce terme qui prend sens dans le cadre général des tenseurs et du calcul tensoriel rappelle que si les formes linéaires peuvent être représentées par un système de coordonnées comparable à celui des vecteurs, elles s'en distinguent pour ce qui est des formules de transformations.
Sommaire
1 Définition
2 Exemples
3 Représentations matricielles
4 Propriétés
5 Espace dual
5.1 Bases duale et antéduale
6 Formes linéaires continues
6.1 Cas des espaces de Hilbert
7 Notes et références
8 Voir aussi
8.1 Articles connexes
8.2 Lien externe
Définition |
Soit E un espace vectoriel sur un corps commutatif K. Une forme linéaire[1] sur E (ou covecteur[2] de E) est une application φ de E dans K qui est linéaire, c'est-à-dire qui vérifie :
∀(x,y)∈E2, ∀λ∈K, φ(λx+y)=λφ(x)+φ(y).{displaystyle forall (x,y)in E^{2},~forall lambda in K,~varphi (lambda x+y)=lambda varphi (x)+varphi (y).}
Exemples |
- L'application constante sur E de valeur 0K s'appelle la « forme linéaire nulle sur E ».
- L'applicationφ:R2⟶R(x,y)⟼2x+3y{displaystyle {begin{matrix}varphi :&mathbb {R} ^{2}&longrightarrow &mathbb {R} \&(x,y)&longmapsto &2x+3yend{matrix}}}est une forme linéaire sur ℝ2.
- Plus généralement, les formes linéaires sur Kn sont les applications qui peuvent s'écrire sous la forme :φ:Kn⟶Kx→⟼a1x1+…+anxn,{displaystyle {begin{matrix}varphi :&K^{n}&longrightarrow &K\&{vec {x}}&longmapsto &a_{1}x_{1}+ldots +a_{n}x_{n},end{matrix}}}où x1,…,xn{displaystyle x_{1},ldots ,x_{n}} sont les composantes du vecteur x→∈Kn{displaystyle {vec {x}}in K^{n}}. En particulier, les formes linéaires sur l'espace de matrices Mp,q(K) sont les applications qui peuvent s'écrire sous la forme φ(M) = Tr(MN), où Tr est l'application trace et N est une matrice fixée de Mq,p(K).
- Sur l'espace des applications continues de [a, b] dans ℝ, l'intégration f↦∫abf(t) dt{displaystyle fmapsto int _{a}^{b}f(t)~{rm {d}}t} est une forme linéaire[3].
- Si L1(Ω) est le ℂ-espace vectoriel des fonctions à valeurs complexes qui sont intégrables sur l'espace mesuré Ω, alors l'intégrale est une forme linéaire sur L1(Ω). Cela signifie que∀f,g∈L1(Ω), ∀λ∈C,∫(λf+g)=λ∫f+∫g.{displaystyle forall f,gin mathrm {L} ^{1}(Omega ),~forall lambda in mathbb {C} ,int (lambda f+g)=lambda int f+int g.}
- Toute évaluation d'une fonction. exemple : l'application qui à une fonction associe sa valeur en un point (φ(f)=f(2) par exemple) ou la valeur de sa dérivée en un point.
- Toute combinaison des coordonnées du vecteur. Exemple : la fonction qui renvoie une coordonnée ou la trace d'une matrice.
Représentations matricielles |
L'écriture ci-dessus des formes linéaires sur ℝn, où les composantes d'un vecteur étaient ses coordonnées dans la base canonique, peut s'interpréter comme un produit matriciel de la matrice ligne (a1 … an) par la matrice colonne représentant ce vecteur :
x=(x1⋮xn),φ(x)=(a1…an)(x1⋮xn).{displaystyle x={begin{pmatrix}x_{1}\vdots \x_{n}end{pmatrix}},quad varphi (x)=(a_{1}dots a_{n}){begin{pmatrix}x_{1}\vdots \x_{n}end{pmatrix}}.}
Plus généralement, si E est un K-espace vectoriel de dimension finie n, une base de E étant donnée, les n coordonnées dans cette base d'un vecteur x→∈E{displaystyle {vec {x}}in E} sont ordonnées sous forme de vecteur colonne :
(x1⋮xn).{displaystyle {begin{pmatrix}x_{1}\vdots \x_{n}end{pmatrix}}.}
Toute forme linéaire sur E est alors représentée par une matrice ligne à n composantes :
(φ1⋯φn),{displaystyle {begin{pmatrix}varphi _{1}&cdots &varphi _{n}end{pmatrix}},}
ce qui signifie que
φ(x→)=(φ1⋯φn)(x1⋮xn)=∑i=1nφixi.{displaystyle varphi ({vec {x}})={begin{pmatrix}varphi _{1}&cdots &varphi _{n}end{pmatrix}}{begin{pmatrix}x_{1}\vdots \x_{n}end{pmatrix}}=sum _{i=1}^{n}varphi _{i}x_{i}.}
Selon la convention d'Einstein, ce résultat peut se noter φixi{displaystyle varphi ^{i}x_{i}} et est un scalaire (en réalité une matrice (1, 1)).
Propriétés |
- Si φ est une forme linéaire non nulle, alors :
φ est surjective, c'est-à-dire que son image est égale au corps de base ;- son noyau ker(φ) est un hyperplan de E, c'est-à-dire que les supplémentaires de ker(φ) sont des droites vectorielles.
- Réciproquement, tout hyperplan de E est le noyau d'au moins une forme linéaire (ipso facto non nulle).
- Une forme est combinaison linéaire d'un ensemble fini de formes données si (et seulement si) son noyau contient l'intersection des leurs[4]. En particulier, deux formes non nulles sont proportionnelles si (et seulement si) elles ont pour noyau le même hyperplan.
Espace dual |
L'ensemble des formes linéaires sur E est un sous-espace vectoriel de l'espace vectoriel KE des applications de E dans K. On l'appelle le dual de E et il est noté E* ou hom(E, K).
On note parfois ⟨φ,x⟩{displaystyle langle varphi ,xrangle } (où x∈E{displaystyle xin E}) pour φ(x){displaystyle varphi (x)}. Cette notation est appelée crochet de dualité.
Bases duale et antéduale |
Si E est de dimension finie n, la représentation matricielle ci-dessus met en évidence que E* est aussi de dimension finie n donc isomorphe à E. Cependant, il n'y a pas d'isomorphisme canonique dans le sens où si E est quelconque, il est nécessaire de se donner une base arbitraire afin de pouvoir définir un isomorphisme le reliant à E*. Si (e1,…,en){displaystyle (e_{1},ldots ,e_{n})} une base de E, on définit sur celle-ci les formes linéaires notées (e1∗,…,en∗){displaystyle (e_{1}^{*},ldots ,e_{n}^{*})} par :
∀(i,j)∈{1,…,n}2, ei∗(ej)=δij{displaystyle forall (i,j)in {1,ldots ,n}^{2}, e_{i}^{*}(e_{j})=delta _{ij}}
(où δij{displaystyle delta _{ij}} est le symbole de Kronecker, c'est-à-dire valant 1 si i=j{displaystyle i=j} et 0 sinon).
Ces formes linéaires sont aussi appelées les projections des coordonnées, l'image d'un vecteur x{displaystyle x} par ei∗{displaystyle e_{i}^{*}} n'est autre que la i-ème coordonnée du vecteur x{displaystyle x} dans la base (e1,…,en){displaystyle (e_{1},ldots ,e_{n})}.
Le résultat important est que la famille de formes linéaires (e1∗,…,en∗){displaystyle (e_{1}^{*},ldots ,e_{n}^{*})} forme une base de E* ; on appelle aussi cette base la base duale de la base (e1,…,en){displaystyle (e_{1},ldots ,e_{n})}.
Inversement, si l'on se donne une base (f1∗,…,fn∗){displaystyle (f_{1}^{*},ldots ,f_{n}^{*})} de E*, il existe une unique base (f1,…,fn){displaystyle (f_{1},ldots ,f_{n})} de E telle que :
∀(i,j)∈{1,…,n}2, fi∗(fj)=δij.{displaystyle forall (i,j)in {1,ldots ,n}^{2}, f_{i}^{*}(f_{j})=delta _{ij}.}
La base (f1,…,fn){displaystyle (f_{1},ldots ,f_{n})} s'appelle la base antéduale de la base (f1∗,…,fn∗){displaystyle (f_{1}^{*},ldots ,f_{n}^{*})}.
Formes linéaires continues |
Si l'on considère un espace vectoriel normé E sur le corps K = ℝ ou ℂ, alors on sait définir la notion de continuité de n'importe quelle application de E dans K ou même dans un autre espace vectoriel normé F. On démontre dans le § « Opérateur borné » de l'article sur les espaces vectoriels normés l'équivalence entre diverses caractérisations de la continuité d'une application linéaire (entre autres : elle est continue si et seulement si elle est bornée sur la boule unité). Si E est de dimension finie, toute application linéaire de E dans F est continue. Si E est de dimension quelconque mais si F = K, on dispose du critère suivant :
Une forme linéaire est continue si (et seulement si) son noyau est fermé[5].
(Alors que pour qu'une application linéaire de E dans un espace F de dimension infinie soit continue, cette condition — évidemment nécessaire — n'est pas suffisante.)
Les hyperplans fermés sont donc exactement les noyaux de formes linéaires continues non nulles. Les autres hyperplans (les noyaux de formes linéaires discontinues) sont denses.
Il est facile de trouver des exemples concrets de formes linéaires non continues (en), sur des espaces vectoriels normés non complets. Par exemple, sur l'espace des fonctions continues de [–1, 1] dans K et dérivables en 0, muni de la norme de la convergence uniforme, la forme linéaire f ↦ f'(0) n'est pas continue. En revanche, dans certains modèles de la théorie des ensembles sans axiome du choix, toute forme linéaire sur un espace de Banach est continue. Inversement, avec l'axiome du choix, on peut construire, sur tout espace vectoriel normé E de dimension infinie, une forme linéaire non continue : il suffit de choisir une suite de vecteurs unitaires en linéairement indépendants, de la compléter, par une famille (fi)i∈I, en une base de E, et de poser φ(en) = n et (par exemple) φ(fi) = 0.
Le sous-espace vectoriel de E* constitué des formes linéaires continues est appelé le dual topologique de E et noté E'.
Cas des espaces de Hilbert |
On suppose ici que E est un espace de Hilbert (réel ou complexe), dont on note ⟨,⟩{displaystyle langle ,rangle } le produit scalaire.
Le théorème de représentation de Riesz exprime toute forme linéaire continue sur E via le produit scalaire ; précisément :
∀φ∈E′, ∃!aφ∈E, ∀x∈E, φ(x)=⟨x,aφ⟩.{displaystyle forall varphi in E', exists !a_{varphi }in E, forall xin E, varphi (x)=langle x,a_{varphi }rangle .}
Notes et références |
N. Bourbaki, Algèbre, p. A-II-40.
Les termes forme linéaire et covecteurs sont cités dans l'exemple 3 page 189 de Roger Godement, Cours d'algèbre, 1966.
Roger Godement, Cours d'Algèbre, p. 191, exemple 6.
Voir la démonstration de Sylvie Benzoni-Gavage, Calcul différentiel et équations différentielles, Dunod, 2010(lire en ligne), p. 79-80, ou celles de . ou de .
Pour une démonstration, voir par exemple .
Voir aussi |
Articles connexes |
- Composantes covariantes et contravariantes
- Pseudovecteur
- Application linéaire continue
- Dual d'un espace vectoriel topologique
- Séparation des convexes
Lien externe |
Cours de Relativité Générale, d'après (en) Lecture notes on General relativity de Sean M. Carroll : traduction et adaptation par Jacques Fric
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