Imaginaire





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L'imaginaire peut être défini sommairement comme le fruit de l'imagination d'un individu, d'un groupe ou d'une société, produisant des images, des représentations, des récits ou des mythes plus ou moins détachés de ce qu'il est d'usage de définir comme la réalité.




Sommaire






  • 1 Définition


    • 1.1 Imaginaire social


    • 1.2 Imaginaire personnel




  • 2 Les grandes conceptions de l'imaginaire


    • 2.1 Les structures anthropologiques de l'imaginaire de Gilbert Durand


      • 2.1.1 Le régime « héroïque » ou « schizomorphe »


      • 2.1.2 Le régime « synthétique »


      • 2.1.3 Le régime « mystique »




    • 2.2 Imaginaire sériel


    • 2.3 Système JP et structures anthropologiques de l'imaginaire de Gilbert Durand


      • 2.3.1 Structures mystiques et phase Cimenter le lien


      • 2.3.2 Structures synthétiques et phase Épargner le lien


      • 2.3.3 Structures diaïrétiques et phase Abolir le lien


      • 2.3.4 Structures cycliques et phase Créer le lien




    • 2.4 Imaginaire et psychanalyse


    • 2.5 Imaginaire et mythanalyse


      • 2.5.1 L'imaginaire instituant et l'imagination radicale de Cornelius Castoriadis


      • 2.5.2 Le schéma R de Jacques Lacan, ou l'intrication du réel, du symbolique et de l'imaginaire


      • 2.5.3 Précisions sur : La relation imaginaire (Lacan)




    • 2.6 Imaginaire et philosophie : Jean-Paul Sartre


    • 2.7 Imaginaire et histoire : Alain Corbin




  • 3 Musée et écriture


  • 4 Références


  • 5 Bibliographie


  • 6 Voir aussi


    • 6.1 Articles connexes


    • 6.2 Liens externes







Définition |


Le concept d'imaginaire est polysémique, il renvoie à une multiplicité des sens, selon les points de vue adoptés, selon les auteurs qui l'utilisent ou les champs théoriques qui s'y réfèrent. Lorsqu'on parle d'imaginaire social ou d'imaginaire personnel, on fait appel à une notion sensiblement différente de celle que le sens commun associe au mot imagination. Il s'agit de la capacité d'un groupe ou d'un individu à se représenter le monde à l'aide d'un réseau d'association d'images qui lui donnent un sens.



Imaginaire social |


On peut parler d'un imaginaire médiéval, de la renaissance, de l'âge classique etc. comme on peut évoquer un imaginaire dogon, massaï, tibétain, inuit, vendéen, etc. On parlera également volontiers de l'imaginaire de René Magritte, de Jérôme Bosch ou de Salvador Dalí ou du Facteur Cheval. Jacques Nimier n'hésite pas à parler de l'imaginaire des mathématiques[1] et on pourrait également se risquer à mentionner l'imaginaire de la science qui n'en est pas dépourvue, de Jules Verne, au docteur Folamour en passant par toute la science-fiction. L'imaginaire, bien plus que la "folle du logis" de la tradition rationaliste, apparaît comme une fonction centrale de la psyché humaine. Fonction de création vitale, les biologistes pour décrire le processus de métamorphose de la chenille au papillon parlent d'un processus qu'ils nomment "imaginal". De la production d'images du rêve, on ne sait pas clairement quelle est sa fonction, mais on sait qu'elle est vitale. Si l'on réveille un chat pendant les phases de sommeil paradoxal de production onirique, au bout de quelques jours celui-ci meurt. Sur un plan collectif, la production des mythes répond également à une nécessité cruciale pour le groupe d'amalgamer ses valeurs dans un récit des origines et des fins qui fait tenir le monde dans une narration cohérente.


Chaque groupe humain construit un imaginaire qui lui est propre. Avec la publication de son livre L'institution imaginaire de la société le philosophe et psychanalyste Cornelius Castoriadis a introduit dans les sciences sociales le terme d'imaginaire social comme concept philosophique. Les "historiens de l'imaginaire" (Duby, Loraux, Le Goff, Vidal-Naquet e. a.) ont travaillé avec ce concept de même que le sociologue Eugène Enriquez qui a étudié l'imaginaire managérial par exemple. Pour ce sociologue, l'imaginaire peut être moteur comme il peut être leurrant ou source d'illusions. Pascal Galvani dans son ouvrage, Autoformation et fonction de formateur, se livre à la "radiographie" de l'imaginaire d'un groupe de formateurs d'adultes à l'aide d'une méthode mise au point par André de Peretti: l'atelier de blason. L'étude de cet auteur permet de dégager les lignes de force qui peuvent structurer un imaginaire professionnel en termes d'identification, de valeurs, de symboles etc.



Imaginaire personnel |


Sur le plan individuel, l'imaginaire témoigne de la subjectivité de la personne. Les images qui traversent l'esprit sont présentes avant même que l'on tente de les inscrire dans la normativité symbolique du langage. Elles appartiennent à la singularité de l'histoire personnelle. La démarche psychanalytique, avec sa technique de libre association, constitue une des voies d'investigation privilégiée de l'imaginaire personnel qu'il s'agisse de se livrer à son archéologie ou bien de laisser au sujet la libre expression d'un sens qu'il instaure.



Les grandes conceptions de l'imaginaire |



Les structures anthropologiques de l'imaginaire de Gilbert Durand |


Gilbert Durand s'est livré depuis les années 1960 à une lecture anthropologique de l'imaginaire. Se situant dans la continuité de l'œuvre de Gaston Bachelard et celle de C.G. Jung, il œuvre pour redonner à la symbolique et à l'image une place que lui ont refusée les divers « iconoclasmes », dont le positivisme. Pour cet auteur, le génie des cultures humaines passe par la création des langages symboliques qui laissent le sens s'instaurer dans le réseau des images qui leur sont propres. L'étude exhaustive qu'il mène auprès des mythologies du monde entier lui a permis de déceler des structures qui se dessinent et les sous-tendent, quel que soit leur lieu d'origine. Ainsi fait-il sienne l'affirmation de Gaston Bachelard qui déclare: « Notre appartenance au monde des images est plus fort, plus constitutif de notre être que notre appartenance au monde des idées ». Ses travaux s’appuient pour cela sur la lecture de la symbolique de toutes les grandes traditions humaines. Cet immense travail de décryptage aboutit à une schématique très largement reprise depuis, tant par la littérature que par l’art cinématographique et même la publicité. Gilbert Durand a donné à cette schématique le nom de régimes de l’imaginaire. « Tout imaginaire humain est articulé par des structures irréductiblement plurielles, mais limitées à trois classes gravitant autour des schèmes matriciels du « séparer »(héroïque), de « l’inclure » (mystique) et du « dramatiser » - étaler dans le temps les images en un récit - (disséminatoire). » (Durand, 1994, p. 26.). Ces régimes qui sont au nombre de trois s’enracinent dans la gestuelle fondamentale de l’être humain, ainsi que dans son environnement cosmologique. La lecture cosmologique procède par une division duelle ou polarité diurne/nocturne : Un régime diurne et Deux régimes nocturnes.



Le régime « héroïque » ou « schizomorphe » |


La lecture issue de la gestuelle est quant à elle ternaire : l’acte de se lever ou la station debout s’associe avec le régime diurne et Durand la qualifie de schizomorphe ou d’héroïque. C’est lorsque le soleil se lève que l’humain se dresse sur ses jambes, ressentant dès lors la dichotomie entre le haut et le bas, le ciel et la terre. Dans ce régime de l’imaginaire, les objets apparaissent distinctement sous la lumière du soleil. On peut évoquer ici, pour illustrer ce schème, l'allégorie de la caverne de Platon. La logique afférente au régime diurne est celle du tiers exclu et le symbole approprié est celui de l’épée du savoir qui tranche l’obscurité du doute et de l’ignorance. (cf. l’iconographie bouddhique, où Manjushri, divinité de la connaissance est représentée avec une épée flamboyante). « Ainsi la structure schizomorphe première ne serait pas autre chose que ce pouvoir d’autonomie et d’abstraction du milieu ambiant qui commence dès l’humble autocinèse animale, mais se renforce chez le bipède humain par le fait de la station verticale libératrice des mains et des outils qui prolongent ces dernières ».



Le régime « synthétique » |


Le deuxième schème, nocturne cette fois, s’enracine dans la gestuelle copulative, l’acte de s'accoupler. La nuit, les opposés se rejoignent, hommes et femmes deviennent un dans l’union de l’acte sexuel. Gilbert Durand nomme ce régime synthétique ou dramatique. Alors que dans le régime diurne il s’agissait de s’élever vers les hauteurs, le schème synthétique nous rappelle dans les profondeurs obscures de la caverne. Il s’agit de plonger en soi, de « toucher le fond », l’alpiniste devient spéléologue ou plongeur des grands fonds. « Platon lui-même sait bien que l’on doit à nouveau descendre dans la caverne, prendre en considération l’acte même de notre condition mortelle et faire, autant qu’il se peut un bon usage du temps ». Le principe logique est ici dominé par la causalité et la représentation diachronique qui permet de résoudre les contradictions grâce au facteur temps. On entre ici dans un système du tiers inclus, illustré par exemple par la symbolique taoïste du yin et du yang ou par la coincidentia oppositorum des alchimistes et de Nicolas de Cues. Les théories systémiques par exemple œuvrent dans le régime nocturne synthétique tout comme la vision bouddhiste de coproduction interdépendante de toute chose.



Le régime « mystique » |


Le troisième schème, nocturne lui aussi, puise dans la gestuelle digestive ou d’avalement, l’acte d'ingérer. L’humain devient un avec l’aliment qu’il ingère (l’aliment se perd dans les profondeurs sombres du corps humain). Durand le qualifie de régime mystique (ou antiphrasique) de l’imaginaire. Ici jouent à plein les principes d’analogie et de similitude. Le principe dynamique en œuvre est celui de la fusion. On peut par exemple évoquer la symbolique de la Sainte Cène dans le christianisme pour illustrer ce régime mystique. Le mythe de Jonas s’inscrit également dans la schématique du régime nocturne mystique. La recherche de l’Unité fondamentale de toute chose est au cœur du régime mystique.


L'imaginaire selon Joël Thomas : c’est « un système, un dynamisme organisateur des images, qui leur confère une profondeur en les reliant entre elles. L’imaginaire n’est donc pas une collection d’images additionnées, un corpus, mais un réseau où le sens est dans la relation ; comme le disait, dans une belle intuition, le peintre G. Braque, « je ne crois pas aux choses, mais aux relations entre les choses. » « Cela nous permet d’affiner notre définition de l’imaginaire. L’imaginaire nous apparaît alors comme le dynamisme organisateur entre différentes instances fondatrices. Ces instances, comme « système vivant », sont en petit nombre - ce sont leurs combinaisons qui sont infinies -, et retrouvent les « solutions » entre lesquelles sont réparties les possibilités de la nature créatrice : le stable, le mouvant, et le rythme qui les relie. »



Imaginaire sériel |


De récents travaux menés par une équipe de chercheurs de l'Université Grenoble Alpes proposent de développer le concept de l'imaginaire et de comprendre son fonctionnement lorsqu'il est confronté à des œuvres sérielles.


Ces recherches, regroupées dans Imaginaire sériel: Les mécanismes sériels à l'oeuvre dans l'acte créatif, (Jonathan Fruoco et Andréa Rando Martin (dir.), Grenoble, UGA Edition, 2017), s'inscrivent dans l'école de pensée grenobloise développée par Gilbert Durand et suivent une double problématique : interroger l'impact de la sérialité sur notre imaginaire et définir l'imaginaire de la sérialité.


En développant ce concept, ces recherches tentent de mieux comprendre l'étroite solidarité entre la faculté conditionnant et organisant les va-et-vient riches de sens entre l’expérience et sa représentation, et la répétition cadencée de différents paradigmes dans un ensemble déterminé, qui permettrait leurs reproductions et inflexions[1].


Les œuvres sérielles forment donc un champ de recherches de premier ordre dans la mesure où ces œuvres sont fondamentalement conditionnées par une récursivité certaine ainsi que par la redondance de leurs principes de construction. Ces travaux tentent ainsi d'illustrer cette conceptualisation sérielle de l'imaginaire en analysant aussi bien de la littérature sérielles, des cycles de jeunesses et de science-fiction, des séries télévisées, de la bande dessinée, de la musique et danse sérielles ainsi que les arts picturaux[2].



Système JP et structures anthropologiques de l'imaginaire de Gilbert Durand |


Article détaillé : Système JP et imaginaire.

Dans « Du lien aux origines des “structures anthropologiques de l'imaginaire” », paru dans la revue Sociétés en 1999, Albert Assaraf montre la correspondance parfaite entre les quatre grandes structures de l'imaginaire isolées par Durand et les quatre phases du lien issues du système JP.



























Structures de l'imaginaire et phases du lien
Structures de l'imaginaire
Phases du lien
 Structures mystiques de l'image
 Phase Cimenter le lien
 Structures synthétiques de l'image
 Phase Epargner le lien
 Structures diaïrétiques de l'image
 Phase Abolir le lien
 Structures cycliques de l'image
 Phase Créer le lien



Structures mystiques et phase Cimenter le lien |


Gilbert Durand distingue quatre structures mystiques de l'image, qu'il associe au Régime Nocturne :



  1. Une structure où prédominent les images de viscosité, d'adhésivité, de glu ; où les verbes du type « rattacher, attacher, souder, lier, rapprocher… » jouent à plein.

  2. Une structure caractérisée par « un refus de sortir des images familières et douillettes », où planent les idées de fidélité, de persévérance, de double négation.

  3. Une structure qui « se révèle dans le trajet imaginaire qui descend dans l'intimité des objets et des êtres .

  4. Puis pour finir, une structure dont les individus qui la caractérise sont généralement des « minutieux », des « méticuleux » vivant dans la crainte permanente « de laisser échapper un détail[3].


Dans « Du lien aux origines des structures anthropologiques de l'imaginaire », Albert Assaraf montre que le système JP permet non seulement de rendre compte des quatre schèmes mystiques ci-dessus isolés par Durand, mais aussi de les intégrer dans un tout cohérent.
En effet, lors de la phase Cimenter le lien, le besoin de con-jonction, de « colle » l’emporte sur le besoin individuel de position — d’aucuns diront sous l’effet de l’ocytocine, l’hormone de l’attachement. Par conséquent quiconque est à la phase Cimenter le lien évolue forcément dans un monde où prédominent les images de « viscosité », d'« adhésivité », de « glu » ; où les verbes du type « rattacher, attacher, souder, lier, rapprocher… », comme le fait remarquer Durand, jouent à plein.


Ce qui implique l'idée de « fidélité », de « persévérance » vis-à-vis du « dedans » ; un refus obstiné « de sortir » de ses « images familières et douillettes ». Mais aussi une hiérarchisation stricte de l'univers, où la règle prend le pas sur la réalité, où l'individu n'est qu'un maillon d'une chaîne qui le dépasse et l'englobe totalement. D'où la troisième structure mystique isolée par Durand, caractérisée par un sur-attachement aux objets et aux êtres familiers. Ainsi que la quatrième structure mystique caractérisée par une « minutie » extrême. Tant prédomine ici la crainte « de laisser échapper un détail » par rapport à la règle.



Structures synthétiques et phase Épargner le lien |


Mais si un individu, en dépit des forces con-jonctives qui le poussent à rester lié, soudé, à la règle, décide malgré tout de s'adapter à une réalité nouvelle, l’imaginaire de cet individu connaît dès lors une transformation. Mute. Passe de la phase Cimenter le lien à la phase Épargner le lien. C’est-à-dire à une phase où son esprit, tout en ménageant la « colle » du groupe, va tenter de s’adapter à son environnement.


Albert Assaraf cite à ce propos le cas du célèbre paléontologue Louis Agassiz (1807-1873), père de la théorie du progressionnisme. Selon laquelle Dieu aurait par le passé détruit puis recréé la terre à plusieurs reprises, afin d'améliorer Sa Création. Une théorie qui, par-delà le vrai et le faux, n'avait qu'un but : forcer, vaille que vaille, la Nature à se couler dans le moule des Écritures. Car, si effectivement notre monde est le dernier en date d'une longue série de Créations, du coup, il n'est plus question d'évolution. Du coup un fossile mi-homme mi-singe, cesse d'être la preuve d'une origine animale de l'homme, mais le simple vestige d'une créature « préadamite », c'est-à-dire une sorte de « brouillon » que Dieu aurait façonné dans une Création antérieure à la nôtre, pour s'exercer, pour se faire la main… Ainsi le système JP permet-il de donner tout son sens à ce qui, aujourd'hui, apparaît comme une élucubration. Montre la façon dont l'imaginaire d'un homme à la phase Épargner le lien, soucieux de ménager la chèvre (données de l'Écriture) et le chou (données de la Nature), s'arrange pour convertir un lien en une théorie scientifique[4].


A ce stade du lien, explique Albert Assaraf, on peut conjecturer, dans le cas d'un déchirement profond entre données de l'Écriture et données de la Nature, comme chez Louis Agassiz ou les concordistes actuels, que l'imaginaire n'aura de cesse de générer des images fantasmatiques où le texte biblique apparaît comme renfermant, pour reprendre Spinoza, « tout ce que l'entendement humain peut saisir[5] ».



Structures diaïrétiques et phase Abolir le lien |


Gilbert Durand matérialise le schème de séparation ou diaïrétique au moyen du glaive, qu'il associe au Régime Diurne.
Mais le glaive, fait remarquer Albert Assaraf, peut aussi bien matérialiser une « séparation tranchante[6] » d'avec le « dedans » que d'avec le « dehors ». Par conséquent un glaive, en soi, n'est ni Diurne ni Nocturne. Ni solaire ni lunaire. Pas plus qu'un sceptre, que Durand associe également au Régime Diurne.


Pour qu'un glaive puisse renvoyer à un « héros solaire » prométhéen qui « rompt ses serments »[7] », il est impératif que le glaive applique ses vertus tranchantes, non plus contre le « dehors », mais contre le « dedans ». Ce qui correspond à un individu à la phase Abolir le lien. Tandis qu'un glaive qui applique ses vertus tranchantes contre le « dehors », est le signe d'un imaginaire à la phase Cimenter le lien.


Il est remarquable de constater, souligne Albert Assaraf, que la phase Cimenter le lien se traduit par un affaissement de la position du sujet au profit de la con-jonction vis-à-vis du « dedans ». Tandis que dans le cas de la phase Abolir le lien on assiste tout au contraire à une inflation de la position du sujet aux dépens de la con-jonction vis-à-vis du « dedans »[8].



Structures cycliques et phase Créer le lien |


Ainsi, selon Albert Assaraf, au commencement du « trajet anthropologique[9] » de l'imaginaire, il y a la phase Cimenter le lien. Où prédominent les images de « viscosité », d'« adhésivité », de « glu », de « fidélité », de « persévérance ». Autrement dit, des images de con-jonctions fortes. Mais aussi des images d'obéissance aux règles établies par le « haut ». Et plus ces règles viennent de « haut » (forces 8 à 10) et plus il y a de chances pour qu'elles soient appliquées avec « minutie » et « méticulosité » au point de craindre « de laisser échapper un détail ». Bref, plus il y a de chances pour que se développent des Structures mystiques de l'image.



  • Puis vient la phase Épargner le lien où il faut ménager la chèvre (l'ancien) et le chou (le nouveau). Que Gilbert Durand nomme Structures synthétiques.

  • Puis, en cas de victoire complète du « dehors » sur le « dedans », vient le temps du divorce, du déliement, des « séparations tranchantes », de la dis-jonction, du gonflement de la position contre l'ordre établi. C'est-à-dire la phase Abolir le lien. Que Durand nomme Structures diaïrétiques.

  • Puis vient le temps de renaître, de se régénérer, de recommencer ailleurs sous les auspices d'un nouveau Temps des origines, d'un nouveau Centre, d'un nouveau Dieu, d'un nouveau Père fondateur, d'une nouvelle catégorisation de l'univers. C'est-à-dire la phase Créer le lien. Que Durand nomme Structures cycliques.



Quatre phases lien.gif



D'où, durant la phase Créer le lien, la profusion des images de passage, de résurrection. Des représentations ayant un rapport de similitude avec l'idée de la mort et de la renaissance. Exemples. La lune, parce qu'incarnant ce qui apparaît et disparaît. L'eau, tant pour son pouvoir de régénérer la nature que pour ses vertus lustrales. Le serpent, parce qu'il « change de peau ». La spirale. La chrysalide. Le cycle menstruel. Le flux et le reflux des vagues…
En somme n'importe quelle image, pourvu qu'elle contienne l'idée du « va-et-vient », du « passage », soit naturellement (synecdoque), soit en raison d'un rapport de contiguïté‚ (métonymie) ou de similarité (métaphore).


En outre, explique Albert Assaraf, la création d'un lien nouveau, dans la mesure où elle implique une re-catégorisation de l'univers, se traduit le plus souvent par une coincidentia oppositorum. C'est-à-dire par la création d’un nouveau « dedans » regroupant dans un même ensemble des éléments autrefois séparés par une barrière imaginaire. A l'exemple de Paul dans l'épître aux Éphésiens (2,14) :


Car c'est lui [le Christ] qui est notre paix, lui qui des deux peuples n'en a fait qu'un, détruisant la barrière qui les séparait ».

Ou encore à l'exemple de la classification actuelle qui consiste à ranger ensemble l'alcool à brûler (eau), le gaz naturel (air) et le charbon (terre). Qui, écrit Albert Assaraf, « serait très certainement perçue comme une coincidentia oppositorum par un savant du XVIIIe siècle se réclamant de la théorie des quatre éléments d'Aristote[10] ».



Imaginaire et psychanalyse |


Article détaillé : psychanalyse.


Imaginaire et mythanalyse |


Article détaillé : mythanalyse.

Hervé Fischer attribue la genèse de nos imaginaires à la condition originellement mythique de l'existence humaine. C'est le monde qui vient au nouveau-né et non l'inverse. S'inspirant de Piaget, il se fonde donc sur une construction imaginaire de notre interprétation du monde. Et, à la différence de Gilbert Durand, il dédie la mythanalyse à l'exploration de nos mythes actuels. Il postule que nous sommes déterminés par autant de mythes actuels que les Grecs ou les Romains anciens, bien que nous prétendions être libérés de ces fabulations et modernes. Il attribue nos imaginaires sociaux et donc leur écho dans nos imaginaires individuels, à la structure élémentaire de ce qu'il appelle "le carré parental" (le Père, la Mère, le Nouveau-né (le corps qui commence à interpréter le monde qui vient à lui), et l'Autre (le langage et la culture sociale, tels que théorisés par Lacan). Il développe donc une mythanalyse bioculturelle des imaginaires sociaux. Il rejette la théorie des archétypes de Jung tout aussi bien que le langage symbolique universel de Fromm. En ce sens, la mythanalyse est plus proche de la sociologie que de la psychanalyse. Et il estime que toute théorie est un imaginaire, tout le langage est métaphorique et fabulatoire, ni la Raison, ni l'Histoire, ni le Progrès, ni même la mythanalyse ne pouvant échapper à cette condition originelle de la constitution mythique de notre pensée et de notre interprétation du monde. Malgré ce relativisme intégral, il suggère que c'est à nous de distinguer les mythes et les imaginaires qui sont bons pour nous collectivement et individuellement et de rejeter ceux dont les effets pervers sont manifestes.



L'imaginaire instituant et l'imagination radicale de Cornelius Castoriadis |


Article détaillé : Cornelius Castoriadis.


Le schéma R de Jacques Lacan, ou l'intrication du réel, du symbolique et de l'imaginaire |


Articles détaillés : Jacques Lacan et Réel, symbolique et imaginaire.

Dans la triade Réel, Symbolique, Imaginaire de Lacan l'imaginaire humain est uniquement permis par le symbolique, il lui succède donc, et n'a rien à voir avec l'imaginaire animal, c'est-à-dire non verbal.



Précisions sur : La relation imaginaire (Lacan) |


Article détaillé : Stade du miroir.

Le Moi du sujet, sitôt constitué (voir Stade du miroir), va entretenir avec l'image "spéculaire" (l'image du miroir, qui est aussi l'image du semblable, "l'autre imaginaire") des relations "d'agressions érotisées" placées sous le signe de l'ambivalence : c'est le couple amour-haine.


Au fil des identifications, un certain nombre de signifiants sont considérés par le Moi comme ne faisant pas partie de lui-même ("Je suis ceci et pas cela") et attribués à l'autre imaginaire. Si ces signifiants ont une connotation favorable, l'autre imaginaire en porte le mérite et devient digne d'amour. Dans le cas contraire, il est rendu coupable du "choix" des signifiants qu'on lui attribue, et devient alors le "bouc émissaire" celui qu'on ne veut surtout pas être et qu'il faut éventuellement détruire.


Dans les deux cas, la structure symbolique commune à tous les sujets se masque alors dans un théâtre manichéen de personnages rendus responsables de leurs actes, en "bien" comme en "mal". La notion de "faute", de culpabilité émerge alors.



Imaginaire et philosophie : Jean-Paul Sartre |


Article détaillé : Jean-Paul Sartre.

  • Jean-Paul Sartre, L'imaginaire, Gallimard, coll. « Folio », 1973 (1re éd. 1940), 379 p. (ISBN 9782070323746)


Imaginaire et histoire : Alain Corbin |


Article détaillé : Alain Corbin.

Voir aussi les travaux des étudiants d'Alain Corbin regroupés dans Dominique Kalifa et Anne-Emmanuelle Demartini (dir), Imaginaire et sensibilités au XIXe siècle, Paris, Creaphis, 2005, ainsi que les travaux de Dominique Kalifa, notamment Les bas-fonds. Histoire d'un imaginaire, Paris, Seuil, 2013.



Musée et écriture |


Malraux a parlé du musée imaginaire, qui regrouperait des référents communs à une culture, un pays, un continent. Les Surréalistes ont aussi allègrement exploré ce "continent vierge" par l'inconscient, opérant une relecture du monde issu de la guerre par la créativité libérée des contraintes classiques, et par l'écriture automatique.


Des auteurs issus de la colonisation considèrent cet élément créatif comme essentiel pour compenser leurs situations minorées dans l'Histoire.


Aussi des auteurs aussi divers que Gabriel García Márquez, qui n'a cessé d'explorer les espaces humains "depuis sa bibliothèque", et qui a investi le réalisme magique, alors que d'autres comme Zadie Smith investit dans la diversité culturelle de Londres, à l'instar de Caryl Phillips et de David Dabydeen, qui mettent en relation l'Angleterre et son histoire outre-Atlantique.


Aux Antilles, Maryse Condé et Gilbert Gratiant ont épousé un imaginaire ouvert sur le monde, de même qu'Edouard Glissant, Raphaël Confiant et Patrick Chamoiseau.


Ce même souci se retrouve chez des auteurs comme Malcolm de Chazal, Robert Edward-Hart, Khal Torabully ou Lindsey Collen dans l'océan Indien.



Références |




  1. Jonathan Fruoco, Andréa Rando Martin, Arnaud Laimé, Imaginaire sériel: Les mécanismes sériels à l'œuvre dans l'acte créatif, Grenoble, UGA Editions, 2017, 174 p. (ISBN 9782377470006), p. 10-15


  2. « Imaginaire sériel: colloque international », sur hypothèses.org, 2015(consulté le 2 janvier 2017)


  3. Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l'imaginaire, Paris, Dunod, 11e édition, 1992, p. 308-319


  4. Albert Assaraf, « Du lien aux origines des “structures anthropologiques de l'imaginaire” », Sociétés, De Boeck Université, no 63, 1999, p. 15-17.


  5. Spinoza, Traité-théologico-politique, 1670, chapitre 2.


  6. Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l'imaginaire, op.cit., p. 179.


  7. Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l'imaginaire, op.cit., p. 179.


  8. Albert Assaraf, « Du lien aux origines des structures anthropologiques de l'imaginaire », op. cit., p. 18-20.


  9. Gilbert Durand, Les structures anthropologiques de l'imaginaire, op.cit., p. 38.


  10. Albert Assaraf, « Du lien aux origines des structures anthropologiques de l'imaginaire », op. cit., p. 24.



Bibliographie |




  • Les structures anthropologiques de l'imaginaire, Gilbert Durand,


  • Figures mythiques et visages de l'œuvre. De la mythocritique à la mythanalyse, Gilbert Durand


  • Pour une poétique de l'imaginaire, Jean Burgos


  • L'institution imaginaire de la société, Cornelius Castoriadis,


  • Les grandes conceptions de l'imaginaire, Hélène Védrine,


  • Introduction aux méthodologies de l'imaginaire, Joël Thomas,


  • L'imaginaire, Jean-Jacques Wunenburger,


  • L'imaginaire, Jean-Paul Sartre,


  • L'imaginaire collectif, Florence Giust-Desprairies, Eugène Enriquez (préface)


  • L'Imaginaire littéraire. Des archétypes à la poétique du sujet, Christian Chelebourg


  • Les Noms indistincts, Jean-Claude Milner, Le Seuil, collection « Connexions du Champ freudien », 1983


  • Les Infortunes de l'imagination, Claude Pérez, Presses Universitaires de Vincennes, "L'Imaginaire du texte", 2010.


  • Imaginaire sériel: les mécanismes sériels à l'œuvre dans l'acte créatif, Jonathan Fruoco, Andréa Rando Martin et Arnaud Laimé (Dir.), Grenoble, UGA Editions, 2017.



Voir aussi |



Articles connexes |



  • Approche lacanienne de la psychose

  • Approche relationnelle d'Albert Assaraf : le système JP

  • Approche transversale

  • Carl Gustav Jung

  • Conte

  • Cornelius Castoriadis

  • Ferdinand Cheval

  • Gaston Bachelard

  • Gilbert Durand

  • Herméneutique

  • Hervé Fischer

  • Imagination

  • Imaginaire social

  • Mythanalyse

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  • René Barbier, « Nouvelle synthèse sur l'imaginaire »

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